Faits
La Gambie a été sous le contrôle de Yahya Jammeh de 1994 à 2016. Pendant plus de deux décennies, les violations des droits humains, notamment les disparitions forcées, la torture, les exécutions extrajudiciaires, les violences sexuelles et les détentions arbitraires, ont été généralisées. En juillet 2005, les fonctionnaires de Jammeh auraient détenu plus de 50 migrants ouest-africains et les auraient sommairement exécutés. Pour commettre ces crimes, le président de l’époque, Jammeh, s’est appuyé sur le groupe armé paramilitaire Junglers, considéré comme l’un des bras armés les plus brutaux du régime de Jammeh.
Bai L. était membre et chauffeur de l’escadron de la mort des Junglers de décembre 2003 à décembre 2006.
Dans ce contexte, Bai L. a été condamné pour son implication en tant que chauffeur dans trois missions de meurtre. Fin décembre 2003, l’unité paramilitaire a reçu l’ordre de tuer l’avocat Ousman Sillah à Banjul. La victime a survécu à l’attaque. En 2004, l’escadron de la mort a tué le célèbre journaliste gambien Deyda Hydara, qui critiquait le gouvernement. Enfin, en 2006, Dawda Nyassi, un opposant présumé au président gambien, a également été assassiné près de l’aéroport de Banjul.
En 2013 et 2014, Bai L. a donné des interviews à des journalistes gambiens, fournissant des détails sur ces meurtres.
Procédure
Le 16 mars 2021, Bai L. a été arrêté à Hanovre par la police criminelle fédérale et les forces de la police d’État, qui le soupçonnaient de crimes contre l’humanité, et son appartement a été perquisitionné. Par la suite, et en exécution d’un mandat d’arrêt, Bai L. a été placé en détention. Suite à son arrestation, TRIAL International, avec l’aide du Centre européen pour les droits constitutionnels et les droits de l’homme (ECCHR), a fourni des informations supplémentaires aux autorités judiciaires allemandes concernant son implication dans les infractions présumées, y compris les interviews radio susmentionnées.
En mars 2022, Bai L. a été inculpé de crimes contre l’humanité pour la tentative de meurtre de l’avocat Ousman Sillah, ainsi que pour les meurtres de Deyda Hydara et de Dawda Nyassi. Cet acte d’accusation a été approuvé par le tribunal régional supérieur de Celle, où le procès de Bai L. s’est ouvert le 25 avril 2022.
Au cours du procès, plusieurs témoins ont été entendus par le tribunal, dont deux témoins oculaires et trois co-plaignants: un ancien employé du journal de Deyda Hydara et des membres de la famille des victimes. Parmi les autres témoins figuraient des personnes ayant identifié Bai L. comme mebre des Junglers, des enquêteurs allemands, un expert en l’histoire de la Gambie et le juge allemand chargé des demandes d’asile qui a interrogé Bai L.. Un témoin clé était un ressortissant ghanéen qui a survécu au massacre de migrants ouest-africains en juillet 2005 et a formellement identifié l’accusé lors d’une séance d’identification de photos organisée par la police allemande.
En octobre 2022, Bai L. a affirmé dans une déclaration lue par ses avocats que les détails qu’il avait fournis sur les meurtres lors d’entretiens avec des journalistes étaient inventés. Il a également affirmé qu’un journaliste l’avait encouragé à se faire passer pour un ancien Jungler afin de rendre son histoire plus convaincante. Cependant, ce journaliste n’a pas pu témoigner puisqu’il est décédé en 2021.
Le procureur fédéral et les parties plaignantes ont présenté leurs conclusions en novembre 2023, et la défense de Bai L. a présenté ses arguments à la fin du même mois.
Le 30 novembre 2023, le tribunal régional supérieur de Celle a reconnu Bai L. coupable de multiples meurtres et tentatives de meurtres en tant que crimes contre l’humanité. Il a été condamné à la réclusion à perpétuité.
Le 12 novembre 2024, la Cour fédérale de justice a rejeté l’appel de Bai L. contre sa condamnation, la rendant définitive.