Faits
De 1998 à 2003, la République démocratique du Congo (RDC) a été plongée dans un conflit régional au cours duquel les forces gouvernementales, soutenues par l’Angola, la Namibie et le Zimbabwe, se sont affrontées à plusieurs groupes armés principalement appuyés par le Rwanda et l’Ouganda. Ce conflit, connu sous le nom de Deuxième guerre du Congo, a été marqué par des alliances changeantes et des violences généralisées contre les civils.
Dans ce contexte, le groupe armé Rassemblement Congolais pour la Démocratie-National (RCD-N) a été créé en 2000 pour combattre les forces gouvernementales congolaises et a formé une alliance avec le Mouvement pour la libération du Congo (MLC), dirigé par Jean-Pierre Bemba, dans le but de prendre le contrôle des zones riches en ressources de la partie orientale de la RDC. En 2003, les Nations Unies ont publié un rapport impliquant le RCD-N dans la perpétration de crimes contre l’humanité, notamment des viols et d’autres formes de violence sexuelle, des exécutions sommaires, des actes de torture, des mutilations et des actes de cannibalisme.
Roger Lumbala Tshitenga était le chef du RCD-N. Il est accusé d’avoir ordonné et soutenu des opérations militaires ayant entraîné la commission de crimes qui ont eu lieu entre le 1er juillet 2002 et fin décembre 2003 dans les provinces de l’Ituri et du Haut Uélé (nord-est de la RDC), notamment lors d’une opération militaire appelée « Effacer le tableau ».
En avril 2003, il devient ministre du commerce extérieur dans le gouvernement de transition issu du dialogue inter-congolais, jusqu’en janvier 2005. Il devient ensuite membre du parlement et sénateur jusqu’en 2013.
Procédure
En 2016, après le rejet de sa demande d’asile, le pôle français spécialisé dans la poursuite des crimes internationaux a ouvert une enquête à l’encontre de Roger Lumbala Tshitenga. Il a été arrêté le 2 janvier 2021 à Paris et l’affaire a été confiée à trois juges d’instruction du pôle spécialisé, qui ont mené l’enquête judiciaire.
Le 2 janvier 2021, Roger Lumbala Tshitenga a été mis en examen pour sa participation présumée à un groupe formé en vue de planifier et de soutenir la commission de crimes contre l’humanité commis en RDC entre 2002 et 2003.
Tout au long des années 2021 et 2023, plus de trente victimes et témoins congolais·e·s ont été entendu·e·s par les juges d’instruction à Paris. Plusieurs témoins oculaires et expert·e·s ont été entendu·e·s sur le fonctionnement et la structure hiérarchique du RCD-N et sur le rôle présumé de Roger Lumbala Tshitenga dans la préparation et la perpétration des crimes. L’enquête a permis de faire la lumière sur les crimes commis lors de l’opération militaire menée dans la région de Beni-Mambasa-Bunia par l’alliance du RCD-N et d’autres groupes armés vers la fin de l’année 2002. Des preuves et des témoignages ont également été recueillis sur les crimes commis à Bafwasende et Isiro, zones contrôlées par le RCD-N au cours de ces années.
TRIAL International, la Clooney Foundation for Justice, Minority Rights Group, et l’ONG Justice Plus basée en RDC, tous admis comme parties civiles dans la procédure, ont collaboré tout au long de l’enquête pour identifier et soutenir les communautés congolaises, les victimes et les survivant·e·s qui ont fourni des preuves et partagé leur récit auprès des autorités judiciaires françaises.
En octobre 2023, la Cour d’appel de Paris a rejeté une requête introduite par l’avocat de Roger Lumbala Tshitenga invoquant la violation, par les juges, de l’obligation procédurale de vérifier qu’aucune demande d’extradition n’avait été émise le concernant.
Le 6 novembre 2023, les juges d’instruction ont mis en examen Roger Lumbala Tshitenga pour sa complicité et son implication présumées dans des crimes contre l’humanité, notamment des meurtres, des actes de torture, des viols, des pillages et des actes d’esclavage, y compris sexuel, commis en RDC entre 2002 et 2003.
Suite à l’appel interjeté par Roger Lumbala Tshitenga contre l’acte d’accusation, la Cour d’appel de Paris a confirmé l’intégralité des charges le 28 février 2024.
L’avocat de Roger Lumbala Tshitenga a déposé deux recours devant la Cour de cassation, l’un concernant l’acte d’accusation et l’autre concernant le rejet de la demande de l’accusé de se voir décharger de la procédure pour violation de l’exigence de non-extradition.
Le 4 juin 2024, la Cour de cassation a joint les deux pourvois et les a rejetés tous les deux.
En juillet 2024, les parties ont été informées que le procès de Roger Lumbala Tshitenga se tiendra du 12 novembre au 19 décembre 2025 devant la Cour d’assises de Paris.
Points marquants
Roger Lumbala Tshitenga sera le premier ressortissant congolais à être jugé par un tribunal national pour des crimes contre l’humanité présumés commis pendant la Deuxième guerre du Congo (1998-2003), et fait partie des rares anciens responsables gouvernementaux poursuivis pour de tels faits.
Il s’agit également du premier procès en France sur la base de la compétence universelle pour des événements survenus en RDC.
En outre, c’est la première fois que des crimes commis pendant la Deuxième guerre du Congo seront jugés par un tribunal national.