Faits
La Gambie a été sous le contrôle de Yahya Jammeh de 1994 à 2016. Pendant plus de 20 ans, les violations des droits humains, notamment disparitions forcées, torture, exécutions extrajudiciaires, violences sexuelles et détentions arbitraires, étaient généralisées. Les Junglers étaient une unité paramilitaire qui répondait directement au président Jammeh et étaient considérés comme l’une des armes les plus brutales du régime. En 2015, le rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture a constaté que les Junglers se livraient aux abus les plus répressifs du régime: détention arbitraire, torture, disparition forcée et exécution extrajudiciaire.
Michael Sang Correa serait un ancien membre de l’escadron de la mort Junglers. Michael Sang Correa et d’autres Junglers auraient torturé les détenus de la prison Mile 2 et du siège de l’Agence nationale de renseignement. Selon l’acte d’accusation, Michael Sang Correa et d’autres Junglers ont torturé des participants présumés à un coup d’état pour obtenir des aveux, notamment en frappant leurs victimes avec des tuyaux en plastique, des fils et des branches; en les étouffant avec des sacs en plastique; en faisant couler du plastique fondu et de l’acide sur leur corps; et en les soumettant à des chocs électriques.
En 2016, Adama Barrow a battu Jammeh à l’élection présidentielle et a mis en place la Commission Vérité, Réconciliation et Réparations (Truth, Reconciliation, and Reparations Commission, TRRC) pour faire face à l’héritage de Jammeh en matière de violations des droits humains. La TRRC a publié ses conclusions le 24 décembre 2021 et a appelé à la poursuite des principaux responsables des violations flagrantes des droits humains et des abus commis sous le règne de Jammeh, notamment l’ancien président et les membres de l’unité paramilitaire Junglers. Au cours des audiences de la TRRC en Gambie, d’anciens membres des Junglers ont témoigné publiquement des crimes qu’ils ont commis sous les ordres de Jammeh. Plusieurs victimes ont déclaré que Michael Sang Correa les avait personnellement torturées ou qu’il était présent lorsque d’autres membres des Junglers se livraient à des actes de torture.
Procédure
Le 17 septembre 2019, le Département américain de la sécurité intérieure a arrêté Michael Sang Correa à Denver, dans le Colorado, pour avoir outrepassé la durée de son visa. M. Correa a été placé en détention administrative en attendant son expulsion. Il a demandé l’asile, mais sa demande a été rejetée en janvier 2020. M. Correa a fait appel de ce refus en février 2020, et son expulsion des États-Unis a été suspendue dans l’attente de la résolution de son appel.
À la suite de la nouvelle de sa détention, une coalition d’organisations de défense des droits humains et de victimes de Michael Sang Correa, notamment le Center for Justice and Accountability, l’African Network Against Extrajudicial Killings and Enforced Disappearances, le Gambia Center for Victims of Human Rights Violations, Guernica Centre for International Justice, Human Rights Watch, la Solo Sandeng Foundation et TRIAL International ont appelé les États-Unis à enquêter sur les allégations crédibles de graves crimes internationaux commis par Michael Sang Correa en Gambie.
Le 11 juin 2020, le Département américain de la justice a inculpé Michael Sang Correa de six chefs d’accusation de torture et un chef d’accusation de conspiration en vue de commettre des actes de torture. A la suite de cette annonce, le Ministère gambien de la justice a publié un communiqué de presse soutenant l’acte d’accusation. M. Correa a plaidé non coupable des charges retenues contre lui et est actuellement en détention dans l’attente de son procès.
En 2021, le procès de M. Correa a été retardé parce que les restrictions liées à la pandémie de Covid-19 ont empêché l’équipe de défense de Correa de se rendre en Gambie pour enquêter et préparer sa défense.
En août 2022, l’accusation a déclaré qu’elle travaillait avec les agences de renseignement américaines pour déclassifier des preuves supplémentaires à divulguer dans le cadre de son dossier. En outre, alors qu’il était en détention provisoire, M. Correa a tenté de déposer plusieurs requêtes pour rejeter les accusations portées contre lui en son nom propre, sans ses avocats, en faisant valoir que l’affaire contre lui résultait de « poursuites malveillantes » et entraînait un retard préjudiciable. Toutefois, ces requêtes ont été rejetées pour cause de procédure inappropriée.
En octobre 2023, le tribunal du district du Colorado a agendé le procès de Michael Correa pour deux semaines à compter du 16 septembre 2024.
En décembre 2023, Michael Correa a déposé deux requêtes contestant l’acte d’accusation. Il a fait valoir que le Congrès des États-Unis n’avait pas l’autorité constitutionnelle pour promulguer la loi sur la torture. Correa a également fait valoir que la poursuite d’un non-citoyen pour des crimes commis entièrement dans la juridiction d’un autre État souverain violait ses droits à une procédure en bonne et due forme.
En février 2024, le tribunal a rejeté les deux requêtes de Correa contestant l’acte d’accusation. Le tribunal a affirmé que le Congrès américain avait le pouvoir constitutionnel d’adopter des lois pénales codifiant les obligations des États-Unis en vertu de traités internationaux, tels que la Convention contre la torture. La Cour a également conclu que Correa avait reçu un avertissement clair qu’il pourrait faire l’objet de poursuites pour ses actes, car il est présumé avoir commis une infraction (1) en violation d’une loi mettant en œuvre un traité international qui prévoit une notification mondiale des comportements proscrits, et/ou (2) qui est universellement condamnée, de sorte qu’il était informé de poursuites potentielles à l’avenir. Bien que le tribunal ait estimé «qu’un lien avec les États-Unis n’était pas nécessaire» pour respecter les droits de Correa à une procédure en bonne et due forme, toute exigence de lien a été satisfaite par le voyage volontaire de Michael Correa aux États-Unis et sa présence prolongée dans ce pays, ainsi que par la citoyenneté américaine d’une des victimes.
Le 19 août 2024, Correa a déposé une requête en irrecevabilité de l’acte d’accusation à son encontre, arguant que les accusations n’avaient pas été déposées en temps utile. Le tribunal a rejeté cette requête.
Le 30 août 2024, moins de trois semaines avant le début prévu du procès de Correa, celui-ci a déposé une autre requête en irrecevabilité de l’acte d’accusation. Il a expliqué que deux témoins dont il souhaitait présenter le témoignage à l’appui de sa défense refusaient de se rendre aux États-Unis sans immunité de poursuites. Il a fait valoir que le refus du gouvernement des États-Unis d’accorder l’immunité à ces deux témoins violait son droit à une procédure en bonne et due forme. Le tribunal a rejeté cette requête. Dans une deuxième requête, Correa a cherché à retarder le procès afin que ses avocats puissent se rendre en Gambie pour enregistrer le témoignage de ces deux témoins. Le 11 septembre 2024, le tribunal a fait droit à la requête de M. Correa.
Le procès de Michael Correa a commencé le 7 avril 2025.